Petite discussion avec Candy la rappeuse.
Brooke Candy est une artiste montante du rap ; originaire de Los Angeles, elle est devenue la chouchoute des magazines à la mode grâce à son nouvel album, intitulé « Opulence ». Elle se montre dans les médias pour prouver qu’elle est plus qu’un effet de mode dans le monde sans pitié du hiphop. Dans cette interview elle parle avec franchise à Lucy Lawless de ses attitudes vis-à-vis du sexe et de la sexualité ainsi que l’influence de ces deux thèmes dans sa musique.
LL : Brooke pourquoi le mot « salope » est maintenant devenu un compliment ?
BC : Ce message depuis le début était transmis par un mot dit négatif et qui a besoin de devenir neutre. Les mots sont dangereux, c’est la chose la plus dangereuse sur cette planète car nous leur donnons un grand pouvoir. J’ai voulu me réapproprier ces mots et leur retirer tous leurs pouvoirs pour que ceux qui les utilisent pour nous blesser ne puissent plus le faire. Chaque génération de femmes depuis les années 60 a ressenti le besoin de faire sa propre révolution sexuelle.
LL : En tant que femme de 24 ans, pourquoi la prise de pouvoir à travers cette révolution sexuelle est-elle un thème primordial dans votre travail ?
BC : Cela remonte à mon enfance, et principalement parce qu’on m’a harcelé à propos de ma préférence sexuelle et le fait d’avoir des relations sexuelles en général. Lorsque j’étais au lycée on m’a beaucoup harcelé. Je n’étais pas une fille aux mœurs légères et pourtant on me traitait de pute, de salope, ce genre de mots. C’est pourquoi je pense qu’il est important pour les femmes d’avoir le sentiment qu’il n’a rien de mal à vouloir faire ce qu’elles veulent, quand elles le veulent. J’ai l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures entre les hommes et les femmes et que ça restera toujours de cette p**** de façon. J’étais en train de regarder cette émission dans laquelle cette femme arrange des rendez-vous et elle disait : « Tu sais en tant que femme tu ne peux pas coucher le premier soir si tu veux qu’il te drague le jour suivant et blablabla…. » Pour moi ça n’avait aucun sens car elle affirmait que tous les hommes voulaient coucher le premier soir mais qu’une femme ne pouvait pas. Mais pourquoi une femme ne pourrait-elle pas coucher dès le premier rendez-vous ? On maintient les femmes au niveau le plus bas, on réprime les femmes et nous ne nous en rendons même pas compte !
LL : La femme à laquelle vous faites allusion, n’a-t-elle pas une bonne quarantaine ?
BC : Oui.
LL : Vous savez qu’il y avait un produit des années 90 il me semble, un livre qui s’est vendu comme des petits pains, intitulé « Les Règles ».
BC : Ma mère l’a lu et m’a conseillé de le lire. Chose que j’ai faite et ce livre est un ramassis de conneries. Il parle de supprimer tout ce qui vous vient naturellement, comme tous les sentiments qui pourrait faire qu’une femme se sente épanouie. C’est écrit des trucs comme « Oh et si à long terme vous faites toutes ces choses qui vous oppressent, vous serez heureuse ». Non je ne crois pas à tout ça.
LL : Votre message est très vif, ressentez-vous de la colère ?
BC : Oh oui il y a de la colère partout dans mon message, je pense que c’est la base pour toute personne qui veut révolutionner quelque chose ou démarrer un changement. J’ai un feu ardent qui coule dans mes veines. Et ma façon d’exprimer ma colère passe par l’art et plus précisément la musique. Je ne pense pas que cela soit une mauvaise chose cependant, au contraire c’est une bonne chose. Je préfère ressentir de la colère plutôt que de ne rien ressentir du tout.
LL : Expliquez-moi comment vous en êtes arrivée à vivre dans votre voiture ?
BC : On m’a expulsé de chez moi. Le pire c’est que c’est arrivé en plein milieu de la nuit en plus. J’avais cette petite HONDA, elle a claqué sur l’autoroute, il faisait froid, tout était merdique, il faisait froid et ils m’ont dit de foutre le camp. Je n’ai pas eu beaucoup de temps, je suis donc partie. C’était il y a à peu près 2 ans. Ensuite pendant 8 mois j’ai vécu dans ma voiture ou j’ai squatté chez des amis. C’est aussi à cette période où j’ai appris à danser le Hustle donc c’était plutôt génial. Je cherche les choses positives quand je suis dans une situation qui a l’air plutôt négative…
Donc en gros on m’a mise à la porte et ma famille m’a dit qu’elle ne m’aimait pas et cela m’a appris à survivre. Et j’ai trouvé ma propre famille, des gens qui m’aiment pour ce que je suis. C’est vraiment spécial aussi, les gens ne réalisent pas qu’ils peuvent créer leur propre famille, et c’est particulièrement vrai dans la communauté gay. C’est une chose banale d’être ostracisé et d’être vu d’un mauvaise œil, abusé et négligé c’est pourquoi nous nous consolons avec d’autres personnes homosexuelles ou qui sont ouverts d’esprit et gentil…c’est vraiment réconfortant.
LL : Donc c’est pour ça qu’on vous a mise dehors ? A cause de votre orientation sexuelle ?
BC : Oui, je n’ai rien dit pendant des années, pour finalement craquer. Et maintenant plus je lis et plus je m’ouvre l’esprit et plus je cherche le savoir et moins je prête attention à mon orientation sexuelle ou le fait que je doive être telle ou telle personne. Maintenant je sais que peu importe qui j’aimerai, je l’aimerai, point ! C’est pour cette raison que les gays sont des personnes performantes, parce que toute leur vie ont leur a dit qu’ils étaient de mauvaises personnes. A présent je ne me mets plus dans une boîte. Quad j’étais jeune je me mettais dans une boîte parce que j’avais peur, ensuite je me mettais dans une autre boîte en me disant « OK, c’est ce que je suis ». Mais maintenant je ne me mets plus dans aucune boîte, je m’en moque et cela ne devrait intéresser personne. Vous n’avez pas à revendiquer quoi que ce soit, à vous expliquer, à faire quoi que ce soit. Cela ne regarde personne. Vous ne tombez pas amoureux du corps d’une personne, mais de son âme. Une relation ne dure que si vous êtes mentalement stimulé.
LL : Etes-vous dans une relation en ce moment ?
BC : Non. Pour le moment je ne veux pas de relation parce que je veux juste me concentrer sur mon travail. Il y a beaucoup de gens qui viennent me draguer…Et plus je suis connue plus il y a de monde vient me draguer, maintenant je les repousse sans même m’en rendre compte parce que ça me distrait. Et je crois que quand vous tombez amoureux de quelqu’un vous en êtes complétement amoureux, et d’une certaine manière vous vous perdez là-dedans et quand vous vous perdez comme ça c’est dur de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre.
LL : Vous êtes montée sur scène à l’anniversaire de Perez Hilton. Vous aimez vous produire en live ?
BC : Oh oui j’adore ça, c’est ce que je préfère. C’est la meilleure drogue naturelle. L’adrénaline avant et après votre performance vous donne l’impression que vous pouvez tout faire.
LL : En un an et demi les budgets pour vos vidéos ont explosés. Votre nouvel album, Opulence, ressemble à une ode à l’excès. De quoi s’agit-il ? Est-ce vraiment une façon de célébrer l’excès sous toutes ses formes ?
BC : Non en fait il s’agit complétement de l’inverse. Ma nouvelle théorie est la saturation des images avec du bling bling et des couleurs, au point que vous ayez l’impression d’être assommé tout du long. Tellement de choses intéressantes à regarder, elles vous attirent. Et je fais ça dans l’espoir que les gens voient au-delà de ça ; je cherche à montrer que l’excès mène au vide, à l’aliénation et au sentiment que vous devenez une sorte de monstre. La soif d’argent, de pouvoir, de sexe et toutes ces choses, elles ne comblent pas votre vide. En fait, elles aggravent cette sensation de vide.
LL : Jaime le fait que vous ne soyez pas satirique, ni ironique ou que vous prenez les choses sérieusement. Je pense que vous exprimez quelque chose de vrai pour vous et les gens de votre génération, mais je dois vous avouez que c’est quelque chose d’effrayant pour des gens comme nous qui avons connu l’apparition du SIDA. Avez-vous reçu des critiques des gens qui ont lu les paroles de votre titre 2012, Das me, qui met en avant la promiscuité ?
BC : Les gens peuvent penser que je suis irresponsable de promouvoir le sexe mais pas les protections, ou je ne sais quoi. Mais c’est une p***** de chanson de hiphop, il y a tellement de thèmes que vous pouvez aborder et exprimer dans une seule chanson, j’essayais de lancer le débat. Je pense que c’est constructif. Cependant mes amis londoniens me dise que les files ont lancé une nouvelle mode : elles couchent avec des garçons et prétendent être féministes mais lorsqu’on leur demande pourquoi, elles ne savent pas répondre. Donc le concept de féminisme se perd.
LL : Qu’est-ce qui vous effraie ?
BC : Ce qui m’effraie ? Rien. Rien ! Je suis heureuse à l’heure actuelle comme je l’étais quand j’étais dans la rue. Et à l’époque j’avais le sentiment que je n’avais rien à perdre et j’ai toujours ce sentiment aujourd’hui donc je n’ai pas peur.